La détention des étrangers en centres fermés, ce mal absurde

Découvrez l’opinion que le CIRÉ a rédigée sur les centres fermés pour étrangers, publiée ce 6 mai 2015 sur le site internet de la RTBF.

Besim* est un jeune père de famille originaire du Kosovo. Après avoir vécu six ans en Belgique, il a été arrêté et détenu au centre fermé de Bruges. L’enfermement puis l’expulsion vers son pays d’origine l’ont séparé de sa compagne et de ses deux enfants nés ici. Comme Besim, des milliers d’étrangers sont détenus chaque année dans l’un des cinq centres fermés que compte notre pays.

Les centres fermés. Ces bâtiments, entourés de grillages et de barbelés, ont tout d’une prison. L’Office des étrangers peut décider, quand il le souhaite, d’y détenir des étrangers qui n’ont, en fait, commis aucun autre délit que celui de ne pas, plus – ou pas encore – disposer des papiers leur permettant de séjourner chez nous. Ce sont parfois des demandeurs d’asile qui, parce qu’ils sont arrivés en avion, seront enfermés tout au long de leur procédure. Ou bien des sans-papiers qui vivent depuis longtemps en Belgique, y ont travaillé et construit une vie de famille. Ou encore des personnes qui se sont vues retirer leur titre de séjour après avoir perdu leur travail.

Ces étrangers resteront, en théorie, deux mois maximum en centre fermé, pour être ensuite expulsés vers leur pays d’origine. La loi prévoit la possibilité de prolonger cette durée de deux mois supplémentaires. Une possibilité très régulièrement utilisée par l’Office des étrangers. Mais dans les faits, cela peut être encore plus long. Noor*, par exemple, une jeune femme de 26 ans, y a passé cinq mois, avant d’être renvoyée vers le Pakistan. Tangavel*, un travailleur indien, a été libéré le mois passé, après plus de six mois de détention. Six mois de trop…

Priver quelqu’un de liberté est un acte grave. D’autant plus lorsqu’il s’agit de personnes particulièrement vulnérables. C’est le cas de Sephora*, une congolaise enceinte de six mois qui a été détenue plusieurs semaines au centre fermé de Steenokkerzeel. Ou d’Esther*, une jeune femme nigériane enfermée durant trois mois au centre fermé de Bruges, avant d’être enfin reconnue comme victime de la traite des êtres humains. Belvie*, elle, a perdu son titre de séjour après avoir fui son domicile parce qu’elle était victime de violence conjugale. Actuellement détenue, elle risque d’être renvoyée dans son pays d’origine. Il n’est pas rare non plus de rencontrer des étrangers gravement malades ou très âgés derrière les murs des centres fermés.

Lorsque l’on est détenu, accéder à l’aide juridique devient extrêmement compliqué : rencontrer régulièrement un avocat, réunir des documents et obtenir les informations nécessaires liées aux procédures d’asile, aux recours en justice ou à l’exercice de ses droits est loin d’être évident. Le plus souvent, la mesure de détention ne fait l’objet d’aucun contrôle par un juge. Au final, en centre fermé, l’essentiel est laissé au pouvoir discrétionnaire de l’Office des étrangers.

La détention a des conséquences extrêmement lourdes pour les personnes qui la subissent, tant sur le plan physique que psychologique. Sans parler de l’impact sur l’image des migrants, vus comme des criminels enfermés dans des lieux hautement sécurisés.

Pourtant, le gouvernement en fait clairement le pilier de sa politique migratoire. Il veut augmenter le nombre de places en centres fermés et le nombre d’expulsions. Dans quel objectif ? Pour rassurer l’opinion publique hostile aux étrangers, et lui donner l’assurance de “gérer” efficacement les flux migratoires ? Pour dissuader les migrants de venir en Belgique ? Les personnes qui fuient les persécutions ou la misère continueront de chercher un avenir meilleur ailleurs, quels que soient les dispositifs sécuritaires mis en place pour les repousser ou les éloigner.

Non, les centres fermés ne sont pas un mal nécessaire, mais un mal absurde. Il est grand temps de mettre à cette pratique de privation de liberté qui porte atteinte à la dignité et aux droits fondamentaux des migrants. Et qui va totalement à l’encontre de la mise en œuvre d’une politique migratoire réaliste et positive, pourtant urgente et nécessaire aujourd’hui.

Pour défendre ce point de vue et lui donner de la voix, le CIRÉ soutient le Steenrock, et invite à participer à ce manifestival qui aura lieu ce samedi 9 mai, de 13h à 18h devant le centre fermé 127 bis, à Steenokkerzeel.

Caroline Intrand, co-directrice du CIRÉ

* Prénom d’emprunt

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