Carte blanche: la régularisation des sans-papiers ne doit plus être une loterie

Une note interne à l’Office des étrangers a fuité vers la presse, permettant de dévoiler une partie de la procédure administrative sur les séjours humanitaires -autrement appelée régularisation humanitaire- dont l’opacité est décriée de toutes parts, et depuis des temps immémoriaux.

Cette note concerne une des personnes qui a mené la grève de la faim avec le collectif de l’Union des sans papiers pour la régularisation. Même s’il ne s’agit que d’un document interne -adressé au Directeur général, reprenant les éléments favorables ou défavorables du dossier, les éventuels problèmes d’ordre public et de casier judiciaire-  il permet de constater, qu’invité à choisir entre “régularisation temporaire” ou “refus de la demande”, le chef de l’administration n’a qu’à cocher la “bonne case”. Qu’il ait, dans cette situation individuelle, choisi celle du “refus de la demande”, alors que ce dossier contient une longue liste d’éléments favorables, aucun signalé comme défavorable, aucun problème de casier ou d’ordre public, ne peut que faire (re-)naître le désespoir des sans-papiers, la colère et le manque de confiance à l’égard du processus administratif.

Les revendications que le CIRÉ porte depuis des années au nom de ses 28 organisations membres ont trait à l’objectivation de la procédure de séjour humanitaire. Nous réclamons, avec d’autres, la mise en place d’une commission indépendante, chargée de prendre les décisions sur les demandes de séjour introduites par des personnes sans papiers.

Le pouvoir discrétionnaire dont le secrétaire d’État -et à travers lui, son administration- jouit dans le cadre des demandes de séjour humanitaires n’est pas acceptable. Une procédure sans critères, opaque et discrétionnaire équivaut à une sorte de loterie du séjour, évidemment injuste.

On ne peut que constater qu’il ne s’agit pas d’un processus administratif basé sur l’examen objectif de l’ensemble des éléments produits, mais d’un pouvoir politique exercé de manière arbitraire par une administration.

Les premières victimes sont les personnes sans papiers elles-mêmes, qui vivent dans l’espoir permanent et vain que leur situation évoluera positivement. Les professionnels, les avocats, les soutiens associatifs, syndicaux, militants… peinent à expliquer l’inexplicable, à conseiller ou à défendre les sans-papiers qui s’adressent à eux. La confiance à l’égard de l’administration est abîmée, durablement, ce qu’on devrait vouloir éviter à tout prix dans un État de droit.

Cet État de droit, auquel le secrétaire d’État aime se référer, ne peut autoriser un tel arbitraire dans le processus administratif lié aux demandes de séjour. Avec la note interne de l’Office des étrangers qui a fuité, l’argument de “l’avantage” du pouvoir discrétionnaire est définitivement débouté. Il faudrait être sourd, aveugle et sans éthique pour ne pas comprendre que c’est bien l’arbitraire du processus qui est révélé. Nous ne pouvons plus le tolérer.

La commission indépendante que nous réclamons est le moyen de mettre un terme à cela, en forçant la transparence, l’objectivité et l’équité. L’application de critères connus de toutes et tous, personnes sans papiers comme soutiens, par cette commission indépendante, aiderait à éviter de devoir remettre en question l’éthique du processus ou de ses acteurs.

La manière indigne dont les personnes sans-papiers sont traitées par les autorités a aussi des conséquences sur la confiance qui peut encore leur être accordée. Nous espérons que cette fuite révélatrice permettra d’appuyer nos revendications de la remise en place d’une commission indépendante et de l’application de critères clairs. Nous espérons aussi qu’elle soit lue par les autorités comme une opportunité de dépasser les fractures idéologiques qui empêchent, voire entachent, le débat autour de la procédure de régularisation de séjour.

Sotieta Ngo, Directrice du CIRÉ

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