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Pourquoi la Belgique ne protège-t-elle pas plus les Afghans?

Depuis trois semaines des Afghans déboutés du droit d’asile occupe une église à Bruxelles. Comment la Belgique peut-elle refuser sa protection à des personnes qui viennent d’un pays en guerre depuis plus de trente ans? Découvrez l’Opinion de Fred Mawet, directrice du CIRÉ, parue sur le site internet de la RTBF ce 5 décembre 2013.

L’Aghanistan est le pays qui génère le plus grand nombre de réfugiés dans le monde, c’est un triste record qu’il détient depuis 32 ans!

En moyenne, un réfugié sur quatre dans le monde est afghan et 95% de ces réfugiés ne sont pas venus demander protection en Europe ou en Belgique : ils ont trouvé refuge au Pakistan ou en Iran!
Près de 3 millions d’Afghans sont réfugiés au Pakistan – où ils ne bénéficient pas forcément d’une protection -, dans des conditions régulièrement très difficiles. Il y en a autant en Iran, qui vivent dans des conditions pas plus faciles…

En Belgique, ils étaient 2.635 à demander l’asile en 2012, et ils sont 1.165 à demander l’asile en 2013…
Sur ces 1.500 à 2.000 personnes d’origine afghane qui nous demandent protection, environ 55% la reçoivent, et aux autres, la Belgique dit “non”! Pourquoi ? Soit parce que les instances d’asile estiment qu’elles ne répondent pas aux critères de protection internationale, soit parce que les mêmes instances doutent du fait que ces personnes soient afghanes ou aient séjourné récemment en Afghanistan.
Faut-il rappeler que ces personnes fuient massivement leur pays en raison de la guerre qui sévit depuis plus de 30 ans, de l’insécurité permanente et volatile et des nombreuses violations des droits fondamentaux?

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a récemment insisté sur le fait que l’Afghanistan est un pays dont la situation sécuritaire reste préoccupante et où les attaques touchant les civils se perpétuent. Il dit aussi que le conflit est volatile et donc, qu’une région considérée aujourd’hui comme sûre ne le sera peut-être plus dans quelques mois. Par ailleurs, ce n’est un secret pour personne que le retrait des troupes internationales d’ici un an fait craindre une aggravation du conflit en cours et une dégradation plus forte encore de la situation des femmes et des minorités. De plus, le HCR a également listé toute une série de personnes qui risquent de subir des persécutions. C’est le cas notamment des femmes, des enfants, des minorités ethniques et religieuses, des jeunes hommes en âge de combattre, des homosexuels*.

Ceux qui ne reçoivent pas de protection en Belgique reçoivent un ordre de quitter le territoire. Des hommes sont emmenés en centre fermé et renvoyés de force vers Kaboul. Les familles déboutées de l’asile ne sont quant à elles pas éloignées. Mais il ne s’agit que d’un moratoire de fait, pas d’un privilège. Elles se retrouvent sans statut, sans droits, sans pouvoir travailler légalement dans notre pays.

La position de la Belgique face aux demandeurs d’asile afghans est donc problématique et ambigüe.

Est-ce que tous ces éléments ne suffisent pas pour considérer que traiter dignement ces femmes, ces enfants et ces hommes afghans et en prendre “notre juste part”, comme disait Michel Rocard, c’est à tout le moins:

• donner un statut de protection aux femmes et enfants dont le HCR lui-même dit que l’on doit les protéger;
• mettre en place un moratoire sur toutes les expulsions vers l’Afghanistan du fait de la situation sécuritaire sur place;
• et leur donner un titre de séjour en attendant un réexamen de leur besoin de protection ou sur base de leur ancrage durable dans notre pays.

Mais nous sommes visiblement, hélas, dans une période où nos responsables politiques considèrent que changer leur vision, bouger de position et marquer leur solidarité plus avant avec un peuple terriblement et durablement malmené équivaut à faire aveu de faiblesse, à perdre un bras de fer, à se montrer laxistes.

Aujourd’hui, nous leur demandons de se ressaisir, de ne pas fermer leurs cœurs et leurs yeux : d’oser une réévaluation sérieuse et objective de la situation en Afghanistan et d’en tirer les conséquences qui s’imposent.
Et ils en sortiront grandis!

Fred Mawet, Directrice du CIRÉ (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers)

 

 * UNHCR ELIGIBILITY GUIDELINES FOR ASSESSING THE INTERNATIONAL PROTECTION NEEDS OF ASYLUM-SEEKERS FROM AFGHANISTAN, United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR), 6 August 2013, HCR/EG/AFG/13/01, http://www.refworld.org/pdfid/51ffdca34.pdf

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