La Belgique à la traîne en matière de nationalité?

Cette carte indique la façon dont les différents États du continent européen mettent en œuvre effectivement l’accès à la nationalité (à l’exception de la naturalisation “extraordinaire” réservée à une catégorie très limitée de personnes).

Le score obtenu dépend de la moyenne des 5 paramètres suivants:

1. Promotion: Dans quelle mesure les autorités nationales encouragent-elles les étrangers à acquérir la nationalité? (campagnes gouvernementales d’information, brochures, information aussi du public pour le sensibiliser à la nationalité…).

2. Documentation: Dans quelle mesure la documentation nécessaire est-elle facile d’accès pour les étrangers? (documentation réduite au strict nécessaire, gratuité, possibilité d’obtenir des documents dans sa langue, possibilité d’exemption si le pays d’accueil ne peut pas fournir la documentation nécessaire…).

3. Marge d’appréciation: Dans quelle mesure les autorités en charge ont-elles la possibilité d’interpréter les demandes? (procédures suffisamment strictes pour limiter au maximum l’arbitraire, interdiction des discriminations, information donnée au candidat de façon régulière et écrite s’il le demande…).

4. Bureaucratie: Avec quelle facilité les autorités en charge peuvent-elles prendre leur décision? (bonne communication entre les différentes agences administratives, délai de traitement limité au minimum indispensable, formation des fonctionnaires…).

5. Recours: Existence de voies de recours en cas de refus? (possibilité de faire appel à un médiateur indépendant ou à la justice, refus toujours motivé par écrit, possibilité d’appel et possibilité pour l’autorité judiciaire de prendre la décision de nationalité elle-même…).

Selon ces critères, les États qui obtiennent le meilleur score sont figurés en bleu sur la carte. Ceux qui obtiennent le plus mauvais score sont en rouge, avec toute une gradation pour les situations intermédiaires.

Cette classification place la Belgique clairement dans le rouge, au milieu d’un ensemble d’États tirant sur le bleu. Ce mauvais classement est surtout dû à l’importance de la bureaucratie et de l’arbitraire, à la difficulté des recours et à la faible implication des autorités dans l’information des candidats et du public.

Quelques définitions

Les mots naturel et nation appartiennent à la famille indo-européenne “GEN”: “faire naître et engendrer”1.

– nation: Du latin natio (progéniture, engeance, peuple), désigne l’ensemble des personnes provenant d’une même origine. Dans sa conférence de 1882, Renan pose que la nation est fondée sur deux caractéristiques: “l’une est dans le passé ; l’autre est dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis…”.2

– nationalité: La “nationalité” définit le lien qui unit l’individu à l’État (et non à la nation). Dès la fin du XIXe siècle, le mot “nationalité” contient en lui la tension entre une définition “subjective”, politico-culturelle et une définition “objective”, juridico-administrative. La confusion entre une appartenance à la nation (au double sens d’héritage naturel et de volonté politique proposé par Renan) et une appartenance à l’État ne sera jamais levée, probablement parce que “les ambiguïtés sémantiques du terme favorisent les entreprises de manipulation politique auxquelles le problème de “l’identité nationale” a constamment donné lieu”.3

– identité nationale: L’expression apparaît en France dans le vocabulaire politique au début des années 1980, inspirée des sociologues américains (E. Goffman) qui avaient dès les années 60 appliqué le terme “identité” à des groupes qui se sentaient discriminés: femmes, noirs4. En France, son apparition coïncide avec le sentiment d’une perte de leadership, le développement d’une immigration de peuplement et la montée du Front national. Le terme renvoie tantôt au sentiment d’un individu d’appartenir à une identité commune, tantôt à l’idée que chaque nation aurait une identité propre construite par l’histoire.

– naturel (substantif): Du latin naturalis dérivé de natura, désigne l’habitant originaire d’un pays. Au XVIIe siècle, il désigne le “sujet” d’un souverain ; au XIXe, il désigne l’habitant originaire d’un pays peu civilisé, le sauvage…

– naturalisation: C’est l’acte juridique par lequel un étranger obtient par faveur la nationalité d’un pays où il réside.

– citoyen: Du latin civis, qui a le droit de cité. Historiquement, le citoyen est membre de la cité (grecque) disposant du droit de suffrage dans les assemblées publiques.

– citoyenneté: C’est le statut juridique qui permet à un individu de devenir citoyen et qui lui donne accès à l’ensemble des droits politiques, tout en créant des devoirs, lui permettant de participer à la vie civique d’une société ou d’une communauté. Au sens sociologique, le terme renvoie à la participation active des individus à la vie de la cité, par le biais d’activités sociales et économiques.

– citoyenneté européenne de résidence ou “citoyenneté de résidence en Europe”. Des mouvements de défense des droits des étrangers proposent d’accorder à tous les résidents d’un État de l’Union européenne les mêmes droits que les “citoyens de l’Union européenne”: droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales voire européennes.

 

1 Ces références à la nature et à la naissance sont peut-être à l’origine inconsciente des réticences de certains à accorder la nationalité: comment en effet admettre qu’un “étranger” puisse devenir un “naturel”? Elles expliquent pourquoi la question de l’intégration/assimilation est centrale dans le débat sur l’accès à la nationalité.
2 E. Renan, Qu’est-ce qu’une nation?, Mille et une nuits, 1882.
3 G. Noiriel, “Socio-histoire d’un concept. Les usages du mot “nationalité” au XIXe siècle”, Genèse, 20, 1995, pp. 4-23. Le même auteur souligne que la polysémie du terme “nationalité” apparait d’emblée dès qu’on veut le traduire dans une autre langue. En allemand, il faudra recourir au terme de “Staatsangehörigkeit” pour renvoyer au lien juridique entre un individu et l’État, et à celui de “Volkszugehörigkeit” pour désigner l’appartenance culturelle à la nation. En anglais et/ou américain, il faut selon le contexte utiliser les termes de “citizenship” (nationalité au sens du lien juridique entre une personne et un État), “nationhood” (le fait d’exister comme nation) et “nationality” (le fait d’être citoyen d’un État particulier ou encore d’appartenir à un groupe partageant une origine, une langue ou une culture commune). Inversement, selon le contexte, il faudra traduire “citizenship” par “citoyenneté” ou par “nationalité”.
4 A.M. Thiesse, La création des identités nationales. Europe XVIIe et XIXe siècle, Seuil, 1999.
Cette carte et de nombreuses autres cartes interactives concernant l’accès à la nationalité en Europe sont disponibles sur le site eudo-citizenship.eu.-
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